Mourad EL BAROUDI

 « Les pratiques discursives des jeunes Marocains sur les réseaux sociaux : quelques particularités typographiques et linguistiques du contact entre l’arabe marocain et le français »

Mourad EL BAROUDI (Master 2 Sciences du langage – Université Bordeaux Montaigne)

L’objectif de cette communication, dont l’objet fait partie de mon mémoire de recherche en Master, est une présentation de quelques particularités typographiques et  linguistiques de l’alternance codique arabe marocain/français telle qu’elle est pratiquée par les jeunes marocains sur les réseaux sociaux, plus précisément sur Facebook.

Quelles sont donc les spécificités typographiques et linguistiques du code switching arabe marocain/français tel qu’il apparaît dans les productions langagières des jeunes marocains sur les réseaux sociaux ?

Le travail que nous proposons s’organise en deux parties : la première est une présentation de quelques marques typographiques que les jeunes marocains utilisent dans leur écriture numérique ainsi que celles qu’ils ont inventé pour réaliser ce mélange au niveau de l’écriture entre deux langue de graphie différente. La deuxième partie sera consacrée à une description linguistique du phénomène de l’alternance codique arabe marocain/français attestée dans des énoncés produits par les jeunes marocains sur Facebook.

             Pour recueillir le corpus, nous avons choisi d’aller sur un groupe des étudiants marocains créé sur Facebook sous forme d’« événement ». Ce groupe,  intitulé « ها آش وقع ليا فالبريبا » (« ha ʔaš wqaԑ liya f prepa » « voilà ce qui m’est arrivé en classes préparatoires  »), rassemble un nombre important des jeunes marocains (plus que 20000 participants). Ces derniers sont des élèves-ingénieurs qui ont fait des études en classes préparatoires dans de grandes écoles au Maroc. Nous avons choisi ce groupe parce qu’il contient des jeunes adultes de sexes différents dont l’âge estimé est de 18 à 30 ans. Ils appartiennent à différentes villes marocaines. Ils sont locuteurs natifs de l’arabe marocain et ont suivi une partie de leur enseignement en langue française. Et enfin, parce que la plupart d’entre eux ont recours au code switching dans leurs publications ou leurs commentaires sur ce groupe Facebook.

Ce groupe a été créé, selon son fondateur, dans le but de permettre aux élèves-ingénieurs qui ont suivi leurs études en classes préparatoires de raconter les expériences et les événements qu’ils ont vécu dans les internats et les établissements des classes préparatoires dans les grandes écoles d’ingénieurs au Maroc.

Pour présenter le corpus, nous avons adopté une représentation arborescente du corpus (Laetitia Emerit : 2016) pour le situer dans son contexte global d’apparition qui est l’environnement numérique. Pour cela nous avons recouru à des extractions au travers des captures d’écrans, et après nous avons procédé à une transcription des énoncés textuels où attestent l’alternance codique arabe marocain-français pour les analyser au niveau graphique et linguistique.

            Pour analyser linguistiquement ces énoncés de nature textuelle, nous avons appliqué le modèle de l’analyse de C. Myers-Scotton : Matrix Language Frame((C. Myers-Scotton : 1993a, 2002) qui nous a permis de traiter les cas de code switching arabe marocain/français figurant dans ces énoncés au niveau morphosyntaxique, prosodique et phonologique. Ce modèle distingue entre la langue matrice, autrement dit la langue qui fournit le cadre morphosyntaxique de l’énoncé, et la langue enchâssée, qui y participe par les morphèmes lexicaux.

            L’analyse de notre corpus nous a montré que les jeunes marocains dans leurs productions langagières écrites sur les réseaux sociaux possèdent une grande compétence à mélanger l’arabe marocain et le français dans le même énoncé et parfois même dans le même mot. En effet, Les jeunes marocains, recourent à des marques typographiques différentes (néographies, rébus, chiffres, abrégement…) pour réussir ce mélange entre les deux langues caractérisées par deux graphies différentes. La compétence langagière de ces jeunes réside également dans leur capacité à changer la langue matrice d’une structure à une autre. Dans certains cas, l’arabe marocains joue le rôle de la langue matrice. Dans d’autres, le français assure ce rôle.

Bibliographie 

CAUBET D., 1998, « Alternance de codes au Maghreb : pourquoi le français est-il arabisé ? », in Plurilinguismes n° 14, Alternance des langues et Apprentissage en Contextes Plurilingues, CERPL, Université René-Descartes, Paris, 121-142.

Laetitia Emerit, « La notion de lieu de corpus : un nouvel outil pour l’étude des terrains numériques en linguistique », Corela [En ligne], 14-1 | 2016, mis en ligne le 16 juin 2016, consulté le 27 juin 2016. URL : http://corela.revues.org/4594

Marie-Anne Paveau. Technodiscursivit´es natives sur Twitter. Une ´ecologie du discours num´erique. Epist´em´e (Revue internationale de sciences humaines et sociales appliquées, S´eoul), ´2013, 9, pp.139-176.

Paveau M.-A., 21 janvier 2013, “Environnement“, Technologies discursives [Carnet de recherche], http://technodiscours.hypotheses.org/?p=311, consulté le 15/12/2016.

MYERS-SCOTTON Carol, 1993, Duelling languages : grammatical structure in codeswitching, Oxford, Clarendon Press.

MYERS-SCOTTON Carol, 2002, Contact linguistics: Bilingual Encounters and Grammatical Outcomes, Oxford, Oxford University Press.

MYERS-SCOTTON Carol, JAKE Janice, OKASHA Maha, 1996, « Arabic and constraints on codeswitching », Perspectives on Arabic Linguistics IX, M. Eid & D. Parkinson (éds.), Amsterdam, J. Benjamins, 9-43.

ZIAMARI K., 2008, Le code switching arabe marocain/français au Maroc : l’arabe marocain au contact du français, Paris, L’harmattan.

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